On pourrait penser que devant de telles preuves quant à son innocence, l’avocat de Hank n’aurait eu aucune difficulté à convaincre la Cour de la notion de doute raisonnable. Malheureusement, ce ne fut pas le cas.
L’avocat principal de Hank était l’ancien procureur, Harold Comer. Ce n’était pas la première fois qu’ils se rencontraient. Dans le passé, au cours de son travail auprès d’autres détenus, Hank avait, à plusieurs reprises, défié les méthodes douteuses d’accusation de Comer. Des mots de Hank :
« …J’avais battu le Procureur (Comer) tant de fois, j’avais appris son petit jeu. Il arrêtait quelqu’un, un criminel réputé, puis un autre qu’il avait déjà condamné auparavant afin d’apporter ‘des preuves’ contre le premier pour les faire condamner. Il les mettait constamment dos à dos… sa philosophie était qu’il se fichait éperdument de savoir s’ils étaient coupables des crimes dont il les accusait ; plus exactement, il pensait qu’ils étaient des criminels et que leur place était derrière les barreaux pour le plus longtemps possible. »
Clairement, il n’y avait aucune tendresse entre l’accusé et son avocat commis d’office et ceci expliquera l’extrême négligence de Comer qui ne l’a pas défendu. Ceci étant, ceci n’est pas le seul facteur.
Harold Comer termina sa carrière de procureur après avoir été impliqué dans une affaire très connue de détournements de fonds publics. Le 25 février 1992, il a été jugé coupable d’avoir déposé sur son compte personnel 10000 dollars provenant de la drogue, argent saisi par l’État. Il réussit à échapper à une condamnation, moyennant le remboursement de cette somme avant le procès. Il eut un an de mise à l’épreuve et du payer une amende de 1000 dollars. Comme il ne fut pas condamné, il ne fut pas radié du barreau et était redevable à l’État de pouvoir continuer à gagner sa vie grâce à des commissions d’office.
En moins de deux ans, Comer se trouve commis d’office dans une affaire de meurtre pour représenter un ancien adversaire devant ostensiblement combattre les objectifs d’un État auquel il devait pourtant beaucoup. Il ne faut pas beaucoup d’intuition pour anticiper la qualité de la défense fournie pour Hank Skinner.
Ce niveau de qualité était clair dès le départ. Hank déclare que
« …lors de notre premier entretien j’ai… tenté de faire comprendre à Comer que je n’étais pas l’assassin. Sa réponse a été qu’il savait que c’était moi, mais qu’il ferait de son mieux malgré tout. »
Au début, Hank a travaillé avec un enquêteur productif, Mr E. John Rosa, qui a découvert une grande partie des éléments utiles à la défense, mais Comer l’a rapidement exclu et a embauché Kirven Roper à sa place, « un boit sans soif et ancien vendeur de voiture… En tant qu’enquêteur, il n’aurait pas su trouver de l’eau au milieu d’une inondation. » (dixit Skinner) **** Une enquête ultérieure prouva que Comer avait auparavant renvoyé Roper lorsqu’il était procureur, pour fautes professionnelles, négligence, incompétence et vol.
Comer n’a pas su, durant le procès, souligner qu’aucune arme des crimes n’avait été reliée en aucune manière à Skinner, il n’a pas, non plus, utilisé le fait que l’empreinte relevée sur l’une des armes du crime trouvée dans un sac en plastique, n’était pas celle de Hank.
Il y avait aussi des témoignages importants. M. Ronnie Campbell fit une déposition sur le fait qu’un autre homme se trouvait dans la maison au moment des crimes. Ronnie, qui était en prison à ce moment-là, avait téléphoné et demandé à parler à Hank. Scooter, (l’aîné des fils de Twila) a répondu et Ronnie a entendu la voix d’un autre homme. Ce n’était pas celle de Hank.
Après la description de ce qu’il avait entendu des voix de Twila et d’un homme non identifié en fond sonore, Ronnie dit qu’il n’a pas entendu la voix de Hank. Alors qu’il s’adressait à Scooter, apeuré, il a demandé à parler à Twila mais il lui répondit qu’elle était en conversation avec « un mec ». Ronnie certifie qu’il a entendu Mlle Busby « hurler de façon hystérique ».
Que Ronnie Campbell fut un témoin de premier plan, quant aux attaques de Twila Busby et de ses deux fils, semblait clair. Son témoignage, à l’époque, recoupait exactement des éléments du dossier et contenait des faits dont il n’aurait pu avoir connaissance s’il n’avait pas passé cet appel téléphonique. Il y eut également un témoignage complémentaire de la part du geôlier de Ronnie qui souhaitait faire une déposition pour confirmer que Ronnie lui avait parlé de cette conversation juste après qu’elle ait eu lieu. La prison tient un registre de tous les appels téléphoniques et Comer était supposé demander, par mandat, le registre concernant cette nuit-là, mais la seule chose qu’il fit, fut de demander au shérif de l’apporter avec lui quand il viendrait déposer à la barre. A ce moment-là, le registre avait mystérieusement « disparu ». Ni Ronnie Campbell, ni son geôlier ne furent convoqués pour témoigner au procès.
Tout ceci fut orchestré après que l’accusation obtint un faux témoignage de l’un des témoins principaux, Andrea Joyce Reed. Andrea Reed était la voisine chez laquelle Hank tituba après les crimes. Elle a récemment signé, sous serment, une déposition, en présence de Susie Ferguson (officier assermenté de l’État du Texas) qui soulève des questions dérangeantes quant à la fiabilité des preuves fournies devant le jury par l’accusation qui réclamait la condamnation à mort d’Henry Watkins Skinner. Les extraits suivants sont issus directement de cette déposition (les textes entre parenthèses sont les résumés de certaines phrases) :
« La nuit des crimes… lorsque M. Skinner est venu chez moi, il ne força pas l’entrée… M. Skinner ne pouvait pas tenir debout et j’ai du, quasiment, le porter où qu’il aille dans la maison… »
« …Après son arrestation, lui et moi furent conduits au commissariat… Il m’est apparu évident que les officiers pensaient que j’avais quelque chose à voir dans tout cela. Plusieurs commentaires furent énoncés sur le fait que je pouvais être arrêtée et inculpée pour complicité de meurtres et, qui plus est, de délit de fuite. Les officiers me posaient sans cesse des questions pendant que je faisais ma déposition, ce qui finit par la modifier en ce qui concerne le déroulement des évènements cette nuit-là. Des choses m’ont été suggérées et je m’y suis pliée de peur d’être arrêtée et que la police ne me prenne mes enfants, ce qui avait été mentionné à plusieurs reprises… »
« …dans ma déposition à la police, j’ai modifié les faits afin de mettre plus de distance entre M. Skinner et moi-même… Je n’étais pas impliquée dans ces meurtres, pas plus que j’ai tenté de cacher M. Skinner à la police, mais j’ai inclus ces éléments dans ma déposition à cet effet, disant que je lui avais demandé de partir, que je ne voulais pas qu’il reste chez moi, que je lui avais refusé d’entrer et que je ne savais pas comment il était entré. Les faits sont simples, je l’ai trouvé, sur mon porche, blessé et incapable de tenir debout sans assistance. Je l’ai fait entrer pour l’aider… la police est arrivée… (et) a demandé s’il était là. J’ai dit que oui… »
« Alors que je parlais à M. Skinner… (dans la maison)… il était quasiment inconscient et incohérent la plupart du temps. Au procès, j’ai certifié qu’il n’était pas dans un tel état, mais la vérité est qu’il était en piteux état… »
« Au procès, j’ai dit, qu’à mon avis, il était capable de commettre un tel crime. La vérité est, en fait, qu’il était incapable de commettre un acte physique contre qui que ce soit. Il n’a même pas pu aller seul aux toilettes, j’ai du l’aider. »
« …(lorsque j’ai) décidé d’appeler Twila pour qu’elle vienne le chercher… il m’a dit que je ne pouvais pas l’appeler parce qu’elle était morte… Il ne m’a jamais dit qu’il l’avait tuée. Ceci est l’une des modifications résultant des pressions que j’ai subies de la part de la police et du bureau du procureur. Lorsque j’ai demandé à M. Skinner s’il lui avait fait quelque chose, il dit qu’il pensait lui avoir donné un coup de pied. Plus tard, il a ajouté qu’il pensait avoir trébuché sur elle. »
« Quand je suis arrivée à Fort Worth avant ma déposition au procès, (on m’a) remis… un scénario… disant ‘voilà ce que tu dois dire. Restes-en à cela et tout ira bien’. Le scénario contenait ce qu’ils voulaient que je dise lors de ma déposition, ce que je fis et ce qui était faux pour la plus grande partie, comme je l’ai expliqué précédemment. »
Andrea Reed a fait cette déposition sous serment après avoir été tourmentée par le regret et le remord, et pour tenter d’inverser le mal qu’elle avait fait par son premier témoignage.
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